le 10 mai 2013

 

Un débat d'idée nécessaire, au delà de la simplification....

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dans l'Humanité du 2 Mai 2013 Mr François TAILLANDIER a publié le billet ci-dessous..

Next language in Europe

François Hollande vient de renoncer à sa promesse n°56 en refusant de mettre en œuvre la ratification de la fameuse charte européenne des langues régionales et minoritaires. Une fois de plus, ce vieux serpent de mer vient de replonger dans les flots pour une durée indéterminée.

Ah, ces langues régionales ! Je souffre trop quand je vois le français méprisé pour ne pas comprendre l'attachement d'un Corse ou d'un Basque à sa langue. Mais est-ce une raison pour fermer les yeux sur les aberrations auxquelles conduirait la charte en question, et sur l'déologie très trouble qu'elle véhicule ?

Aberrations. M. David Grosclaude, président du Parti occitan, demande ainsi au président «qu'il fasse modifier le texte de Vincent Peillon, en donnant par exemple la liberté aux parents qui le souhaitent d'offrir un enseignement à parité horaire français/langue régionale à leurs enfants» (1). À parité horaire ! Imaginons l'application de cette mesure dans un collège breton de 350 élèves dont (mettons) 56 demanderaient à en profiter, quand on s'apercevrait en outre que pas un des professeurs (de maths, d'anglais, de ce qu'on voudra) ne pratique le breton. Inutile d'en dire plus…

L'idéologie, maintenant. Dans un article intitulé «Contre la charte des langues régionales» (2), Françoise Morvan, traductrice, écrivain, folkloriste, a souligné (elle n’est pas la première, et les preuves sont là) l’ethnicisme et le tribalisme sous-jacents à la charte, qui considère l'Europe comme un ensemble non de citoyens mais de «peuples» au sens génétique du terme. Je ne peux que renvoyer à sa démonstration et insister sur un autre aspect : la charte ne veut rien savoir… des langues d’immigration. Curieux retournement du fameux droit du sol ! L'Allemagne a ainsi reconnu des langues régionales, mais nullement le yiddish et le turc, parlés par 2 millions de personnes. En France, on a identifié 72 langues (sans parler des dialectes), dont le bourguignon morvandiau et le nyelayu, mais le vietnamien ou le portugais ne sont pas censés exister. Je vous laisse conclure.

Un dernier mot. J’ai vu je ne sais où 
la photo d’un défilé indépendantiste 
en Catalogne, en 2012. Un manifestant brandissait un panneau ainsi libellé : «Catalunya, the next state in Europe !» Tiens, tiens… Quand chacun sera enfermé dans son particularisme linguistique, 
on croit voir déjà qui raflera la mise.

(1) lexpress.fr, 25 mars.

(2) blogs.mediapart.fr, 24 avril.

François Taillandier

Au nom de notre Réseau, nous avons réagi immédiatement en envoyant le communiqué suivant..

Point de vue sur un billet de Mr Taillandier

Monsieur Taillandier donne de la plume dans l’Huma et fait valoir des points de vue qui souvent apportent à la réflexion et peuvent servir de base à des débats enrichissants. Dernièrement, dans sa chronique intitulée « enseigner en globish » il écrivait pour stigmatiser la décision de Mme Fioraso de vouloir dispenser l’enseignement en anglais dans les universités et les grandes écoles « C’est ainsi qu’en fonction d’une vision abstraite de l’enseignement, abritée derrière de grands mots (« rayonnement », « attractivité », « efficacité »), on perd de vue ce qui est le noyau atomique de tout enseignement : la connaissance intime, la rencontre profonde, l’appropriation d’un savoir par un esprit. ».

Ces propos valables pour le français perdraient, à le lire, toute signification pour les langues régionales qu’il fustige avec ironie. En véhiculant des clichés et en prenant pour référence Françoise Morvan, vieille habituée des batailles contre le breton et la diversité culturelle, M. Taillandier stigmatise sans distinction tous les défenseurs des langues régionales en parlant « de l’ethnicisme et du tribalisme sous-jacents à la Charte ».

Dans l’huma du 23 septembre 1999, Félix Marcel Castan, écrivain, penseur occitaniste, communiste, parlait déjà avec M. Taillandier de cette question et il écrivait : « François Taillandier a raison « il y a deux conceptions possibles de la nation, historiquement attestées » la nation ethnique et la nation politique. L'une peut conduire au fascisme, l'autre fonde en général la République. Ce serait cependant insulter les tenants de la première formule que de leur accoler automatiquement l'étiquette de fascistes. Ce serait, en revanche, faire la part trop belle aux tenants de la seconde que de leur accorder sans examen toutes les vertus républicaines. En toutes choses, il y a des degrés. ».

Ne pas voir que la Charte est un outil supplémentaire non pour sauver des minorités, mais pour affirmer le droit à l’existence des langues et cultures régionales et minoritaires, relève d’une cécité intellectuelle.

Ces langues et cultures rendues minoritaires par une conception de la culture nationale qui a nivelé des différences plutôt que de s’en enrichir, elles ont droit également à une expression pleine et entière. Ethnicisme, tribalisme, communautarisme, sont peut-être des dangers réels, mais si nous n’y prenons garde s’enfermer dans un cadre national qui nie sa diversité intérieure faites de langues, de cultures et de rapports humains, c’est créer un communautarisme national.

Comme le disait Castan « Une République une politiquement et culturellement plurielle ». C’est aussi cela l’esprit d’une VIème République.

Le Réseau Langues et Cultures de France

(Front de Gauche des Arts et de la Culture)

     Nous regrettons que le Journal l'Humanité n'ait pas fait écho de cette prise de position    

de son côté René MERLE à publié une réaction sur son blog

http://rene.merle.charles.antonin.over-blog.com/article-a-propos-d-un-billet-de-fran-ois-taillandier-117681576.html

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