Compte
-rendu du 15 juin 2005 à Paris, Assemblée Nationale.
Matin, 10 heures. Rencontre avec des élus du groupe communiste et républicain
: Frédéric Dutoit, François Liberti, députés, Annie David, sénatrice.
Présents, outre les trois élus : Jacques Blin, du réseau langues de
France, Philippe Martel, Marie-Jeanne Verny, FELCO, Etienne Roux, IEO, François
Bacabe, (enseignant et musicien, réseau) Jean-Louis Blénet, Calandretas.
Initialement prévus, Roger Martelli (PCF)et Patricia Laborie (FSU Bretagne)
sont retenus par des obligations professionnelles imprévues et impératives.
Après le propos introductif de Jacques Blin, présentant le réseau
langues de France et l'ordre du jour de la rencontre, Frédéric Dutoit, obligé
de partir à 10 h 30, prend la parole pour indiquer dans quel esprit son groupe
entend procéder sur la question d'un texte de loi concernant les langues régionales.
Il indique qu'un tel texte doit être élaboré en liaison étroite avec les
associations compétentes. Il doit tenir compte d'un contexte différent de
celui qui avait présidé à la rédaction de la proposition déposée en 1988
au nom du PCF par Guy Hermier, et intégrer notamment à sa réflexion les problématiques
nouvelles de l'exception culturelle,de la diversité culturelle, du débat sur
l'Europe en construction, de celui sur la décentralisation,etc.
Pour la FELCO, ce texte gagnerait à être présenté par plusieurs
partis, dans la mesure où le débat sur les langues régionales traverse
pratiquement tous les partis, chacun comptant en son sein des amis et des
adversaires de ces langues. La FELCO insiste par ailleurs sur la nécessité
d'intégrer la problématique des langues régionales dans l'enseignement
-puisque c'est le terrain sur le quel elle est habilitée à s'exprimer-dans un
projet éducatif global. La question étant moins de bétonner un bunker pour
les langues régionales, une niche imperméable dans l'Education Nationale, que
de développer la coopération interdisciplinaire entre l'étude des langues et
des cultures et le reste des savoirs dispensés par l'école aux futurs
citoyens. Aux antipodes de tout communautarisme, la FELCO propose d'une part
l'ouverture face aux autres cultures présentes sur le sol français -cultures
des DOM-TOM comme des langues d'immigration sans référent national hors de
France, même si bien sûr les problèmes diffèrent dans chaque cas ; d'autre
part, la FELCO pense que langues "de France" cela signifie que les
enfants de l'ensemble du pays, même dans les régions où n'existe aucune
langue spécifique, ont au moins le droit d'être informés, au cours de leur
scolarité, de l'existence de ces langues et de ces cultures, par exemple à
travers l'insertion dans les manuels de français de textes traduits des
diverses langues présentes sur le sol national. La FELCO en reste à ces considérations
générales, réservant pour d'autres lieux l'énoncé des mesures concrètes
qu'elle préconise. Elle rappelle toutefois que tout développement de
l'enseignement des langues de France ne peut se faire sans moyens spécifiques,
et sans une politique volontariste d'offre, pas seulement la prise en compte
d'une demande trop souvent méconnue.
Jean-Louis Blenet attire l'attention sur le risque qu'il y aurait à
vouloir trop bien faire, et à mélanger des problèmes, et des langues, qui présentent
des caractères différents. Etienne Roux, pour l'IEO, approuve l'idée de
s'adresser à plusieurs partis. Les débats récents sur l'article 2 montrent
que des convergences sont possibles. Il refuse tout enfermement
"patrimonial", toute mise au musée ; il refuse tout autant tout
communautarisme ; mais il considère lui aussi que les langues territoriales,
historiques, présentent des spécificités qui doivent faire l'objet d'un texte
particulier. Ce qui compte pour l'IEO, c'est de rendre l'offre de langues régionales
la plus visible possible dans tous les domaines. Pour les mesures concrètes, à
son avis, à côté du texte Hermier, la Charte des langues moins répandues
fournit des éléments à prendre
en compte. Et il ajoute que les textes précédents parlent trop peu des
possibilités de développer l'usage des langues de France dans le domaine économique
et social.
Jean-Louis Blenet reprend la parole pour signaler que les mots évoluent,
et que la notion de "patrimoine immatériel" adoptée par l'UNESCO et
l'ONU modifie quelque peu le contenu traditionnel de la notion de patrimoine.
François Liberti souligne que l'exclusivisme identitaire traditionnel en
France est de plus en plus contesté, au nom de la diversité culturelle. Une
ouverture existe donc, potentiellement. Il préconise pour l'élaboration du
texte une stratégie souple : plutôt qu'un texte présenté par un seul parti,
ce qui risque de détourner les autres, il suggère que les associations
produisent un projet défini dans ses grandes lignes, qu'ils proposeraient pour
discussion et affinage aux divers partis susceptibles de s'en emparer: on
verrait alors qui peut embrayer, et qui reste en dehors.
Jean-Louis Blenet rappelle l'existence d'un intergroupe parlementaire sur
les langues régionales, présidé par le député socialiste Sicre ; il
conviendra de le tenir informé de et associé à la démarche.
Jacques Blin pose alors le problème des rapports entre niveau régional,
avec la décentralisation, et niveau national. Pour M.J Verny, de la FELCO, le
problème des régions est différent selon qu'on a affaire comme en Bretagne à
un espace linguistique contenu dans une région unique, ou à plusieurs régions,
comme dans le cas occitan. Dans ce dernier cas, il convient de ne pas oublier de
prévoir un échelon interrégional, sans par ailleurs mettre hors course le
niveau national.
Etienne Roux partage l'idée que le "tout-région" ne saurait
suffire.
Jean-Louis Blenet suggère de ne pas entrer dans le débat sur les compétences
respectives des régions et de l'Etat. Le plus urgent est la conquête d'un
statut garanti par un texte national.
Annie David intervient pour rappeler que la question des partages de compétences
n'est pas sans intérêt, à partir de la question simple et définitive : qui
paye quoi ? Le texte à venir doit préciser clairement les différents niveaux
d'intervention, et les modes de financements prévus.
Sur ce point, ajoute François Liberti, la collaboration entre les
associations et les élus prend tout son sens.
MJ Verny intervient pour signaler que la prise en compte par les régions
du problème sera d'autant meilleure que ses cadres seront sensibilisés audit
problème. Ce qui implique la possibilité pour les fonctionnaires territoriaux
de bénéficier au cours de leur formation d'une initiation à la langue et à
la culture de leur région d'exercice.
Au terme de cet échange de vues, il est décidé que les associations
proposeront avant la fin de l'été un projet de texte, un exposé des motifs au
premier chef, qui circulera ensuite entre les diverses parties prenantes, avec
en vue une proposition bouclée avant que l'approche des élections de 2007
paralyse tout travail parlementaire réel. Aux associations de voir celles qui,
en dehors de celles représentées à Paris ce jour, peuvent et doivent être
associées à l'élaboration du texte.
La fin de la matinée est consacrée à un échange plus général autour
de la loi Fillon, et de la possibilité de la modifier en ce qui concerne aussi
bien la définition du socle commun que le choix des langues en primaire. L'intérêt
des filières bilingues, comme susceptibles de développer l'enseignement
primaire sans impliquer de surcoût, est souligné.
Philippe
MARTEL